Résidence du 19 octobre au 13 décembre 2021
À Ada X + Algora Lab
Présentation publique le jeudi 9 décembre
Depuis le début de la pandémie, les IA sociales sont de plus en plus nombreuses à offrir un peu de compagnie ou des services de santé mentale en ligne. Dans le cadre de sa résidence, Gina Hara cherche à faire des connexions entre la vie pendant le confinement et une partie de jeu solo sur Minecraft, imaginant un avenir où l’IA deviendrait la seule compagnie possible pour les humains. Avec Minecraft comme trame de fond, elle utilise le jeu comme pratique analytique et expérimentale. Ce processus et la narration qui en émerge seront documentés et présentés sous la forme d’un court métrage machinima à la fin de la résidence.
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« Il y a une solitude accablante aux paysages générés à l’infini de Minecraft.
Sur fond d’écosystèmes abstraits et de donjons labyrinthiques, les joueur·se·s errent sans fin à travers les biomes regorgeant d’édifices abandonnés, de créatures dangereuses et de trésors cachés. Le brassage géographique incessant de Minecraft propose un contenu presque illimité, mais souligne aussi la froideur de ses étendues. Peu importe la distance à parcourir, chacun·e navigue seul·e dans ce monde.
Pour son projet de résidence chez Ada X, AI The End, Gina Hara trace un parallèle entre cette solitude numérique et l’isolement causé par la pandémie, en habitant les espaces infinis et moroses de Minecraft aux côtés d’une amie chatbot. En réponse à la récente valorisation des IA dans les discours sociotechniques, son jeu expérimental interroge leur rôle croissant à titre de compagnons et d’aide en santé mentale, tout en examinant la solitude intrinsèque aux environnements virtuels.
Le projet de Hara utilise une version modifiée de Minecraft avec des paysages pittoresques et des ruines urbaines tentaculaires, mais dépourvus de PNJ (1). S’inspirant des tropes apocalyptiques et mettant son propre scepticisme vis-à-vis de l’IA à l’épreuve, l’artiste s’adresse à son chatbot pour demander conseils et démonstrations d’amitié tout en s’affairant à une tâche pour le moins mélancolique : préparer l’environnement de Minecraft à l’extinction imminente de l’humanité. Ce défi qu’elle s’impose souligne la question de l’héritage laissé par les humains sur Terre, et incarne la démarche narrative de Hara au sein d’espaces ludiques :
« En tant qu’artiste, j’essaie souvent de créer une situation dans laquelle me placer pour voir quelles expériences en émergent. L’une des raisons pour lesquelles j’ai aimé travailler avec Minecraft est son potentiel à faire surgir des narrations. Quelle histoire en sortira ? Quelles en seront les conclusions ? »
Les séances de jeu de Hara et ses conversations avec l’IA culminent dans un film machinima (2) élaboré à partir de la documentation de ses séances de jeu et et s’inspirant de rencontres hebdomadaires sur Twitch. Contrairement aux pratiques traditionnelles de l’industrie du jeu vidéo et du cinéma qui reposent sur de grandes équipes et des valeurs de conception hégémoniques, AI The End s’ancre dans les facultés d’expérimentation, de lenteur et d’intimité du machinina. À l’instar d’un·e monteur·se de film qui joue avec la matérialité du celluloïd, Hara exploite les possibilités de Minecraft par le biais du modding et du jeu critique.
Alliant l’IA, les mondes virtuels et les récits qui en émergent, AI The End brouille la frontière entre l’humain et la machine tout en contemplant la solitude de la vie contemporaine. De nature autoréflexive, l’œuvre de Hara ne propose pas de parabole ni de solution aux problèmes de la société. Plutôt, à travers un design itératif, Hara contemple les rythmes lents de la solitude ainsi que nos relations naissantes avec les non-humains. »
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1. Un PNJ (Personnage non-joueur) est un personnage de jeu vidéo dont les actions sont déterminées par un script automatisé ou un ensemble de règles, par opposition à un personnage contrôlé par un joueur.
2. Contraction de machine, animation et cinéma, le machinima est le processus de réalisation de films d’animation en temps réel en utilisant la technologie graphique 3D des jeux vidéo.
3. Modding est une expression dérivée du verbe « modifier » désignant l’action de modifier du matériel, des logiciels, ou pratiquement n’importe quoi d’autre, afin de remplir une fonction qui n’a pas été prévue à sa conception. Dans la communauté des jeux vidéos, le terme « modding » fait référence à la création de contenu nouveau ou modifié.
Formée en nouveaux médias et en art vidéo, Gina Hara est une artiste-cinéaste. Son travail se concentre sur les récits marginalisés d’un point de vue féministe et d’immigrant·e·s, notamment dans le contexte des médias sociaux et de la culture des jeux vidéos.
Michael Iantorno est un étudiant en doctorat, un écrivain et un créateur de jeux vidéo, qui s’intéresse à l’après-vie des jeux vidéo, au fandom et au droit de la propriété intellectuelle.
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Cette résidence reçoit le soutien de Algora Lab, un laboratoire universitaire interdisciplinaire qui développe une éthique délibérative de l’IA et de l’innovation numérique et analyse les aspects sociétaux et politiques de la société algorithmique émergente.